Ali Maaloul x Ferjani Sassi : destins croisés
30 Novembre 2013 : on joue la 88e minute de la finale de la Coupe de la Confédération Africaine lorsqu’une douche froide s’abat sur le stade Tout Puissant Mazembe de Lubumbashi. Après une longue touche jouée sur le côté droit, Fakhreddine Ben Youssef surgit dans les 6 mètres et parvient à placer une tête imparable dans les filets du portier Robert Kidiaba. « Errouj » vient alors d’offrir un trophée qui manquait au Club Sportif Sfaxien depuis 2008, tout en ponctuant une année exceptionnelle pour les bianconeri. Quelques mois auparavant, c’est le trophée de LP1 que les hommes de Ruud Krol soulevaient, avec une génération dorée composée d’éléments promis à briller. Parmi ces champions, on retrouve deux joueurs que le destin a choisi de confronter dans une nouvelle finale continentale : Ferjani Sassi et Ali Maaloul, évoluant tous deux du côté du Caire, respectivement à Zamalek et Al Ahly. Ce Vendredi 27 Novembre, c’est en tant que meilleurs ennemis que les deux anciens du CSS vont s’affronter pour remporter le seul trophée africain qui leur manque : une CAF Champions League.
Des parcours divergents
Enfant du cru, Ali Maaloul a effectué toutes ses gammes au centre de formation du Club Sportif Sfaxien, avant de disputer son premier match avec l’équipe première à la fin de l’exercice 2008/2009. Mais c’est bien quelques mois plus tard sous les ordres du coach croate Luka Peruzovic que le latéral virevoltant va effectuer sa première saison pleine avec son club formateur, en disputant 17 matchs et en délivrant 2 passes décisives. Capable d’évoluer sur tout le flanc gauche, Maaloul enchainera alors six années de très haut niveau sous le maillot noir et blanc, ponctuées par deux trophées majeurs et une place de titulaire gagnée en sélection nationale.
C’est lors de la saison 2015/2016 que Ali Maaloul aura atteint les sommets, en inscrivant 16 buts et délivrant 4 passes décisives en championnat, suscitant alors la convoitise de plusieurs grosses écuries du continent. Mais c’est bien du coté de l’Egypte qu'il continuera son petit bonhomme de chemin, en s’engageant avec Al Ahly, le « club du siècle ». Quatre saisons, 21 buts, 34 passes décisives et 7 trophées plus tard, Maaloul s’est imposé comme le meilleur latéral gauche du continent, en plus d’entrer dans la légende du club cairote.
De son coté, Ferjani Sassi a connu un parcours un peu plus agité que celui de son ancien coéquipier. Né à l’Ariana dans la banlieue de Tunis, ce milieu de terrain élégant a d’abord été formé dans le club de sa ville, avant de rejoindre le centre de formation de l’Etoile du Sahel avec son frère Mossab. Non conservé par le club, il a ensuite connu une courte expérience à Al Ain aux Emirats, avant de revenir dans la capitale tunisienne, au Stade Tunisien. Là encore, Ferjani ne fait pas long feu du côté du Bardo et finit par rejoindre le Club Sportif Sfaxien en 2011. Lancé par Nabil Kouki, c’est là qu’il fera sa première apparition en LP1, en inscrivant par la même occasion son premier but dans le monde professionnel contre le CS Hammam-lif. Après 3 saisons et demie lors desquelles il se révèle comme une étoile montante du football tunisien, Ferjani Sassi rejoint le FC Metz lors du mercato hivernal de 2015, accompagné alors de son coéquipier de l’époque Fakhreddine Ben Youssef.
Malheureusement, le club lorrain file alors tout droit vers la Ligue 2, et les bonnes performances du tunisien ne pourront rien y faire (1 but et 2 passes décisives en 12 rencontres de Ligue 1). Malgré les tentations d’un retour en Tunisie, Sassi décide alors de rester une saison de plus à Metz, et contribue à la remontée du club dans l’élite en disputant 26 rencontres. Mais une nouvelle offre alléchante d’une Espérance de Tunis en quête de titres africains parvient finalement à convaincre le natif de l’Ariana à rejoindre la capitale. Après une saison et demie sous les couleurs sang et or, puis un court séjour de 6 mois en Arabie Saoudite dans le club d’Al Nasr, c’est finalement en Egypte que ce baroudeur trouvera son bonheur. Véritable maitre à jouer du club cairote, il s’est imposé comme l’un des meilleurs milieu de terrain d’Afrique et constitue aujourd’hui une pièce maitresse de l’effectif zamalkawy.
Une carrière à la hauteur des promesses ?
Bien qu’évoluant aujourd’hui dans les meilleurs clubs d’Afrique, et bénéficiant d’une armoire à trophées pleine à craquer, on ne peut néanmoins s’empêcher de penser que Ferjani Sassi et Ali Maaloul auraient pu prétendre à un parcours dans un grand championnat européen, qui aurait donné une dimension différente à leurs carrières respectives.
Ce wagon pour l’Europe, c’est en 2017 que Ali Maaloul l’a raté. Alors auteur d’une très bonne première saison avec Al Ahly, il est convoité par le club de l’En Avant Guingamp en Ligue 1, qui propose un peu moins d’un million d’euros aux "diables rouges". Ces derniers refusent, jugeant la somme dérisoire pour un international tunisien faisant partie des meilleurs à son poste sur le continent. De nouvelles rumeurs envoyant le joueur à Swansea ou encore à Crystal Palace font ensuite leur apparition en début d’année 2018, avant de disparaitre aussitôt après une Coupe du Monde marquée par des prestations individuelles très moyennes. Depuis, les seuls bruits de couloir ont révélé un intérêt prononcé de la part de certaines grosses écuries du golfe, telles que Al Hilal Riyadh, sans que rien ne se concrétise.
Ferjani Sassi quant à lui, a eu l’opportunité d’évoluer en France pendant une saison et demie, d’abord en Ligue 1 puis en Ligue 2 sous les couleurs du FC Metz. Doté d’une très bonne qualité technique et d’une certaine intelligence de jeu, le joueur s’était tout de suite adapté aux exigences du championnat français en s’imposant d’entrée en tant que titulaire dans l’équipe d’Albert Cartier. Contrairement à bon nombre de ses coéquipiers retournés en Tunisie après un court séjour en Europe en raison d’un déficit qualitatif, Ferjani Sassi a lui plutôt succombé à la tentation du confort. Seulement un peu plus d’une saison après son arrivée, le joueur a fini par accepter une offre alléchante de l’Espérance de Tunis, alors qu’il avait encore les capacités pour évoluer de longues années sur le vieux continent.
Depuis, les seules rumeurs européennes le concernant sont apparus après la Coupe du Monde 2018, sans qu’aucune offre concrète ne soit déposée sur les bureaux d’Al Nasr, son club de l’époque. C’est finalement Zamalek et son président Mortada Mansour qui arriveront à l’attirer dans leurs filets, pour une somme annoncée proche des 3 millions d’euros. Somme qui est jusque-là largement rentabilisée au vue des performances du tunisien du côté du Caire, et qui pourra l’être davantage en cas de victoire en finale contre l’ennemi de toujours, deux ans après avoir soulevé le trophée de la Coupe de la Confédération.
Nul n’est prophète en son pays
Malgré une carrière très riche en club, plusieurs trophées majeurs à leur actif et une soixantaine de sélection chacun avec les Aigles de Carthage, ni Ali Maaloul ni Ferjani Sassi ne font aujourd’hui l’unanimité dans leur pays natal.
Convoqués pour la première fois avec les Aigles de Carthage en 2013, les deux joueurs ont depuis, toujours figuré sur les listes des différents sélectionneurs qui se sont succédé sur le banc de l’équipe nationale. Toujours, ou presque, puisque Ali Maaloul a contre toute attente été écarté de la liste des 23 pour la dernière Coupe d’Afrique des Nations. Alors que l’on a longtemps pensé a un écart de conduite qui aurait poussé le sélectionneur de l’époque, Alain Giresse, à l’exclure du groupe, ce dernier a affirmé par la suite qu’il s’agissait uniquement d’un choix purement sportif. Il était alors devenu clair que le statut du latéral gauche en sélection n’était plus tout à fait le même depuis le Mondial 2018.
Alors que la Tunisie avait concédé deux défaites contre l’Angleterre (2-1) et la Belgique (5-2), Maaloul s’était fait remarqué par ses nombreuses erreurs défensives, et avait laissé sa place pour Oussama Haddadi lors du dernier match contre le Panama, remporté par les Aigles sur le score de deux buts à un. Avant même le mondial, le profil du joueur lui avait fait défaut lors de la CAN 2017, lorsque le sélectionneur de l’époque Henryk Kasperczak avait choisi de le mettre sur le banc lors du quart de finale contre le Burkina Faso, préférant une option plus « défensive » en la personne de Aymen Abdennour, habituel défenseur central. Bien que replacé dans le onze de départ depuis l’arrivée de Mondher Kebaier, il n’est pas exclu qu’un profil comme celui de Haddadi, plus rassurant défensivement, lui soit préféré lors des prochaines échéances importantes de la sélection.
Ferjani Sassi, quant à lui, a bien disputé toutes les compétitions majeures de l’équipe nationale depuis sa première convocation en 2013. Titulaire lors des CAN 2015, 2017 et 2019, ainsi que lors du Mondial 2018, le milieu de terrain est toujours l’un des premiers noms cochés par le sélectionneur au moment de constituer le onze de départ. Capable de contrôler l’entrejeu grâce à sa qualité technique, le joueur du Zamalek peut néanmoins être coupable de sauts de concentration lors de moments importants. A l’aise lorsque la sélection évolue avec le ballon, il peut également être dépassé par le rythme lorsque son équipe doit défendre et répéter les courses. Mais c’est surtout lors de la dernière Coupe d’Afrique des Nations que Ferjani Sassi a cristallisé toutes les critiques.
Disputant pour la première fois depuis 2004 la demi-finale de cette compétition, les Aigles de Carthage avaient alors leur destin entre les mains lorsque l’arbitre Bamlak Tessema a désigné le point de penalty à la 75e minute, sanctionnant une main dans la surface de Kalidou Koulibaly. Malgré la présence sur la pelouse de Wahbi Khazri et de Naim Sliti, deux spécialistes de l’exercice, c’est bien Sassi qui est chargé d’envoyer son équipe en finale en transformant cette offrande. Il n’en sera rien, puisque le joueur accouchera d’une frappe mollassonne qui ira directement se loger dans les mains du gardien. Quelques minutes plus tard, c’est le Sénégal qui profitera d’une erreur de la défense adverse pour inscrire le seul but de la rencontre, mettant fin aux rêves de 12 millions de tunisiens. Cet épisode noir de l’histoire moderne des Aigles de Carthage a encore beaucoup de mal a passé chez un bon nombre de supporters, qui tiennent Ferjani Sassi pour responsable de la défaite lors de cette rencontre. Titulaire lors des derniers rendez-vous de la sélection, et bénéficiant de la confiance totale du sélectionneur, le joueur n’a néanmoins plus la même image vis-à-vis d’une partie de l’opinion publique.
Anciens coéquipiers, Ferjani Sassi et Ali Maaloul, qui deviendront meilleurs ennemis le temps d’une rencontre, sont le genre de joueurs qui permettent de rappeler qu’une bonne carrière n’est pas forcément une carrière européenne. Déjà figures emblématiques de leurs clubs, avec l’Egypte comme pays d’adoption, ils bénéficient encore de quelques belles années pour convaincre le public tunisien qu’ils méritent également d’être reconnus à leur juste valeur dans leur pays d’origine.
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