top of page
Karim Ghariani

De Gabes à Al Ain : La métamorphose d’une équipe



9 Décembre 2018, Gabes : on joue la 66e minute sur le terrain de l’ASG quand Zouheir Attia effectue une percée au milieu d’une défense apathique pour venir porter le score à 3 buts à 1 en faveur des locaux, plongeant un peu plus l’Etoile du Sahel dans la crise et l’éloignant par la même occasion du podium de la Ligue 1. 18 avril 2019, Al Ain (EAU) : Maher Hannachi, bien lancé sur le côté droit par une passe lobée de Yassine Chikhaoui, parvient à servir un Mohamed Methnani qui arrive lancé dans la surface de réparation et en profite pour placer une frappe imparable dans les buts du gardien saoudien : l’Etoile remporte la Zayed Champions Cup contre Al Hilal Riyadh après un parcours héroïque.

Seulement quatre petits mois séparent ces deux buts, et le chemin parcouru parait pourtant très long. Si, aujourd’hui, l’Etoile du Sahel ressemble enfin à une équipe structurée, avec ses cadres, ses valeurs sûres et ses jeunes talents, il était très difficile d’imaginer cela fin 2018. Bien entendu, le trophée remporté Jeudi dernier vient embellir tous les discours, encourager les louanges et effacer les déconvenues passées, mais la progression de cette équipe en si peu de temps est indéniable, et cette coupe en est la juste récompense. Alors, comment expliquer cette soudaine embellie ?


Roger Lemerre dans le rôle du sauveur

Déjà vainqueur de la Coupe de Tunisie en 2014 avec le club du Sahel, Roger Lemerre était cette fois attendu pour remettre de l’ordre et de la discipline au sein d’une équipe qui n’arrivait plus à enchainer les bons résultats et qui a connu trois entraineurs différents en l’espace d’une année. Avec un effectif de qualité mais déséquilibré, le technicien français a parfaitement su s’adapter aux caractéristiques de ses joueurs ainsi qu’aux nombreux départs du mercato d’hiver (Akaichi, Merai, Trabelsi et Abderrazak ont tous les quatre quitté le club). A peine arrivé, les premiers chantiers furent les postes de latéral gauche et d’attaquant de pointe. Pour le premier, le départ de Ghazi Abderrazak a mal été anticipé dans la mesure où aucun joueur de l’effectif ne paraissait capable de le remplacer numériquement, si ce n’est un jeune Ahmed Raddaoui sans véritable garantie et encore trop léger pour s’imposer comme titulaire dans cette position. Concernant le poste de numéro 9, le recrutement de Karim Aribi à longtemps ressemblé a une erreur de casting de la part des dirigeants étoilés. Extrêmement maladroit devant les buts, peu utile dans le jeu, l’algérien a été la cible de nombreuses critiques justifiées de la part des supporters étoilistes.


Après plusieurs expérimentations, avec notamment Jemal, Ben Ouannes ou encore Raddaoui qui se sont longtemps partagés la position d’arrière gauche, c’est finalement dans un passage vers un système à 3 centraux que la meilleure solution a été trouvé. En plus de correspondre aux caractéristiques des différents éléments de l’effectif, ce système a permis à l’Etoile de regagner une certaine solidité qu’elle avait jusque-là perdu. Et si le problème de l’attaquant de pointe est toujours d’actualité malgré cet ajustement tactique, Aribi continue de bénéficier de la confiance précieuse de Roger Lemerre, confiance qui commence peut-être à porter ses fruits puisque le buteur a été auteur de deux réalisations lors des deux dernières rencontres, avec une prestation plutôt intéressante Jeudi dernier. En plus de sa capacité à s’adapter aux qualités de son effectif, le coach français se montre également remarquable sur sa faculté à garder tous les joueurs dont il dispose extrêmement concernés, avec des remplaçants qui répondent présents lorsque l’on fait appel à eux, et des éléments qui renaissent de leurs cendres alors qu’ils étaient mis au placard il y a seulement quelques mois. Le but victorieux de Mohamed Methneni, longtemps sur le banc et annoncé sur le départ, est d’ailleurs le symbole de cette superbe gestion d’effectif, tout comme les performances d’un Firas Belarbi souvent remplaçant mais décisif à chacune de ses apparitions. Entre les jeunes joueurs comme Ben Ouannes et Haj Hassen qui ont gagné du temps de jeu, ceux que l’on croyait déjà partis comme Konaté et Methnani, et ceux qu’on ne voyait pas venir, comme le jeune gardien Kridene, tout le mérite revient à un staff et à un entraineur qui ont su tirer le maximum du vivier à leur disposition.

Le 3-4-3 : système idéal ?


Si aujourd’hui, un tel dispositif tactique parait taillé pour cet effectif, ce n’était pourtant pas le cas lorsque Georges Leekens avait également eu l’idée de le mettre en place lors de son court passage sur le banc étoilé. Il s’agit en effet d’un schéma qui nécessite beaucoup de mise en place lors des entrainements et dont les principes sont difficiles à assimiler pour les joueurs. Ne bénéficiant pas de la même crédibilité ni des mêmes résultats que Roger Lemerre, le coach belge avait été la cible de très nombreuses critiques pointant du doigt un système « ultra défensif » et inadapté à notre championnat. Pourtant, le profil des joueurs de l’effectif, surtout celui des centraux et des latéraux, est tout juste idéal pour ce 3-4-3. Ci-dessous le 3-4-3 de l'Etoile en phase offensive, qui se transforme en 5-4-1 en phase défensive



Commençons par la défense centrale, où Zied Boughattas, Omar Konaté et Saddam Ben Aziza ont tous profité de ce changement qui permet de faire briller certaines de leurs qualités individuelles tout en « gommant » leurs principales lacunes. Les deux premiers cités, évoluant respectivement axe droit et axe gauche de cette défense centrale, se retrouvent donc couverts par un troisième élément, qui est le plus souvent Saddam Ben Aziza. Leur placement parfois hasardeux et leurs gros manquements sur les un contre un, qui sont leurs défauts principaux, sont de ce fait « minimisés » par la compensation de leur compère de la défense et parfois également par les pistons (Hannachi/Kechrida et Ben Ouannes) chargés de former ce qui ressemble d’avantage à un 5-4-1 lors des phases défensives. De même, si c’est l’expérimenté Ammar Jemal qui est titulaire à la place du défenseur malien, ce dernier permet d’offrir plus de justesse dans le jeu long ainsi qu’une meilleure capacité à gagner du terrain balle au pied grâce à une « conduccion », chose que Konaté est incapable de réaliser.


Sur l'image ci-dessous, on peut clairement observer un 5-4-1 avec Hannachi et Ben Ouannes qui revienne à hauteur de leurs centraux, Karim Aribi chargé de gêner le premier relanceur et Iheb Msakni, à droite de l'image, qui coupe très bien la ligne de passe vers l'ailier gauche Salem Al Dossari

Concernant les latéraux maintenant, que ce soit Hannachi, Kechrida, Ben Ouannes ou bien même Raddaoui, il s’agit là d’un système idéal pour les faire briller puisqu’il permet de mettre à profit toutes leurs qualités offensives. Un joueur comme Maher Hannachi, excellent contre attaquant, se retrouve ainsi très souvent à la dernière passe, comme en témoigne son service pour Methnani sur le deuxième but en finale et ses statistiques impressionnantes. Idem pour Kechrida et Ben Ouannes, qui font parler toute leur qualité technique dans ce rôle particulier entre ailier et latéral. Ce dernier, milieu offensif de formation et évoluant normalement dans un rôle de numéro 10, a d’ailleurs parfaitement réussi sa transition vers un poste nécessitant pourtant beaucoup de maturité tactique.


Au milieu, il est désormais clair que la paire préférentielle de Roger Lemerre est celle associant Ben Amor à Aouadhi, avec un rôle de doublure pour le jeune Malek Baayou. Tandis que le premier cité est chargé d’initier le pressing et joue dans un rôle un peu plus avancé que son coéquipier de l’entrejeu, Aouadhi a lui la tâche de rester proche de ses défenseurs centraux afin de combler les brèches tout en anticipant les éventuels décrochages des éléments offensifs adverses comme on a pu le voir avec Bafetimbi Gomis ou Carlos Eduardo contre Al Hilal.


Ci-dessous, Ben Amor est presque à hauteur de Karim Aribi et son gros volume de jeu lui permet d'initier le pressing et de gêner la première relance


Enfin, concernant le trio d’attaque, c’est Yassine Chikhaoui et Iheb Msakni qui occupent respectivement les côtés gauche et droit, le rôle de numéro 9 étant normalement destiné à Karim Aribi. Bien qu’alignés dans un rôle d’ailiers sur le papier, les deux premiers cités passent le plus clair de leur temps à l’intérieur du jeu, décrochant énormément et participant beaucoup à la construction des attaques. Leur qualité technique est un atout extrêmement précieux lors de ces phases de jeu, permettant de conserver le ballon et de dicter le rythme du match, chose que Ben Amor et Aouadhi ont plus de mal à réaliser. On a ainsi pu voir à plusieurs reprises un Yassine Chikhaoui revenir dans son camp afin d’orienter le jeu et faire remonter le ballon. Aribi, quant à lui, est censé faire parler ses qualités athlétiques afin de servir de point d’appui chargé de faire remonter le bloc lors des transitions offensives en plus de combiner avec ses coéquipiers d’attaque. Cependant, ses lacunes sur le plan technique ainsi que son placement souvent défaillant n’ont fait qu’accroitre la frustration que pouvaient ressentir les supporters à son égard. Heureusement, l’algérien a profité de la finale contre Al Hilal pour montrer qu’il était capable d’évoluer dans ce rôle, avec plusieurs séquences où il est parvenu à garder le ballon dans le camp étoilé en faisant gagner plusieurs mètres à son équipe.

Alors que ce dispositif est celui qui a été le plus souvent utilisé dernièrement, l’adaptation reste cependant le maitre mot pour un entraineur qui n’hésite pas à évoluer dans un système plus classique en 4-2-3-1 si nécessaire, comme montré dans le schéma ci-dessous. Ce système peut par exemple être utilisé à domicile contre des blocs plus regroupés, notamment en Ligue 1.

Désormais, il est nécessaire de construire sur cette victoire en Coupe Arabe et profiter de la belle récompense financière qui l’accompagne en préparant le futur et notamment l’après Roger Lemerre. Bien qu’ayant connu une véritable métamorphose lors de ces dernières semaines, cette équipe comporte encore un grand nombre d’axes de progression et des recrutements ciblés seront nécessaires afin de bénéficier d’une équipe compétitive sur le plan national mais aussi continental. Cette victoire va assurément faire énormément de bien à un club qui en avait besoin, mais il ne faut surtout pas qu’elle serve à cacher tout le travail qui reste à effectuer. Il reste également un certain nombre de rendez-vous importants pour l'équipe en cette fin de saison, à commencer par le quart de finale retour de la Coupe de la Confédération africaine qui se joue ce soir contre les soudanais d'Al Hilal (score de l'aller : 3-1 pour l'Etoile à Sousse).

bottom of page