Etoile du Sahel : L’heure de la reconstruction
Georges Leekens, Chiheb Ellili ou encore Khaireddine Madoui, les entraineurs se sont enchainés à la tête de l’Etoile lors de l’année écoulée avec toujours le même constat : un grand nombre de joueurs en deçà du niveau requis pour jouer dans un tel club, une qualité de jeu insuffisante, sans compter les conflits internes qui peuvent parfois gangréner l’équipe. Et si les problèmes qui touchent aujourd’hui le club du Sahel peuvent dépasser le cadre du terrain, cela se fait ressentir sur le plan sportif où les décisions incohérentes ne font que s’enchainer, que ce soit en termes de planification de l’effectif ou de simples choix techniques. Les prochaines semaines s’annoncent d’autant plus compliquées que l’équipe risque de perdre un grand nombre de ses éléments lors du mercato et pour se retrouver, une nouvelle fois, à la recherche d’un entraineur. Une chance pour repartir de zéro ?
Une refonte de l’effectif devenue nécessaire
Alors que tous les postes sont doublés voire triplés, il existe pourtant un grand déséquilibre qualitatif au sein de l’effectif sahélien qui devient aujourd’hui problématique et ne permet plus de viser les premiers rôles. L’une des raisons de ce manque de qualité à des postes clés est notamment le fait d’une mauvaise gestion de certains éléments déjà présents sous l’ère Benzarti qui avaient surperformé par rapport à leur vrai niveau (Ex : Boughattas, Abderrazek) et qui sont progressivement devenus des poids morts pour une équipe qui a désormais besoin d’un nouveau souffle. Ajoutez à cela les envies d’ailleurs des cadres (Rami Bedoui, Mohamed Amine Ben Amor), le manque de temps de jeu de ceux qui sont devenus des indésirables (Ben Belgacem, Methneni, Zekri …) et l’irrégularité handicapante des gardiens, et vous obtenez un effectif qui navigue à vue, plongé dans le flou le plus total et qui risque de se retrouver décimé à l’issue du prochain mercato.
Commençons d’abord par l’attaque, où le départ de Amr Merai vers les égyptiens du Pyramids FC semble d’ores et déjà acté. Alors que son passage dans le club laissera une impression bien mitigée, le buteur égyptien a tout de même permis à l’Etoile de se faire une belle plus-value puisque l’on parle d’une somme avoisinant le million d’euro. De son coté, Ahmed Akaichi, dont le recrutement pose énormément de questions, devrait lui aussi suivre assez rapidement et retourner vers le championnat saoudien. Malgré ces deux départs, ce secteur resterait néanmoins bien fourni en termes de quantité puisque Amine Chermiti, Shaka Bienvenue, Yosri Hamza et Hazem Haj Hassen sont tous capables d’occuper ce poste. Reste maintenant à savoir si l’un de ces quatre éléments a les épaules pour porter l’attaque de l’Etoile, ou si le recrutement d’un buteur confirmé s’impose. Alors que Shaka Bienvenue a seulement disputé deux rencontres sous ses nouvelles couleurs, il s’est montré plutôt intéressant avec une certaine intelligence dans les déplacements, de belles qualités dans le jeu dos au but en plus d’une force athlétique certaine. De leurs côtés, Hazem Haj Hassen et Yosri Hamza comptent eux aussi très peu de temps de jeu cette saison, avec un but inscrit pour le premier cité. Enfin, Chermiti semble avoir basculé davantage vers un profil de second attaquant depuis son retour au club et a plus de mal à évoluer seul en pointe. Reste donc à savoir si l’équipe va continuer à jouer avec un système en 3-5-2 ou si le staff décidera de revenir vers un dispositif plus classique impliquant un seul véritable attaquant de pointe. Dans tous les cas, il faudra se séparer temporairement (prêt) ou définitivement d’au moins un de ces éléments si les dirigeants décident de recruter à ce poste.
Au milieu, on voit mal comment le club pourrait retenir une saison de plus un Mohamed Amine Ben Amor dont le départ dans un grand championnat aurait dû se faire depuis déjà bien longtemps. Sans surprise, cette perte risque de faire beaucoup de mal à une équipe dans laquelle il est le meilleur élément depuis son éclosion. Si le jeune Malek Baayou, 19 ans, semble avoir le potentiel nécessaire pour s’imposer comme un titulaire en devenir et remplacer à terme Ben Amor, il est encore trop tôt pour faire de lui un indiscutable. De même, compter sur une paire Aouadhi-Trabelsi avec pour seule alternative un Methnani dont le temps de jeu est inexistant serait le meilleur moyen pour s’enfoncer un peu plus dans la médiocrité. Enfin, si Slim Ben Belgacem peut également évoluer dans un rôle de relayeur plus offensif, il n’a pas disputé la moindre rencontre cette saison et représente un nouveau point d’interrogation. La meilleure solution serait donc le recrutement d’un milieu récupérateur confirmé qui formerait dans un futur proche la paire avec Malek Baayou. La vente de Mohamed Methnani semble, quant à elle, nécessaire au vu du temps de jeu du joueur.
Mohamed Amine Ben Amor dont le probable départ lors du mercato d'hiver risque de faire beaucoup de mal à l'Etoile
Plus haut, le poste de milieu offensif semble être celui où il y a le moins de certitudes. Alors que c’est Yassine Chikhaoui qui a disputé les dernières rencontres en tant que meneur de jeu du 3-5-2, la gestion du cas Firas Belarbi laisse songeur puisque le joueur était titulaire indiscutable sous Chiheb Ellili avec de très bonnes prestations à la clé. Il a d’abord été ignoré par Leekens au profit d’Iheb Msakni, avant d’être progressivement relégué en tant que deuxième voire troisième choix. Et s’il ne semble y avoir qu’une seule place pour trois noms en cas de maintien du 3-5-2, il serait peut-être judicieux de se séparer d’un Msakni aux blessures récurrentes et qui s’est montré beaucoup trop irrégulier ces derniers mois afin de ne pas freiner la progression de Belarbi, quitte à recruter un nouvel élément capable d’évoluer sur un coté en cas de passage en 4-2-3-1. C’est également dans cette optique que se pose la question de la vente ou non de Omar Zekri, lui qui n’a presque pas eu sa chance depuis qu’il est au club et dont le profil ne correspond pas à un tel dispositif. En effet, un changement tactique risque d’être problématique puisque très peu de joueurs de cotés sont actuellement présents dans l’effectif. Idem pour le cas Mortadha Ben Ouannes qui est aussi très flou puisque le joueur avait laissé entrevoir de très belles choses lors de son passage au CAB, mais n’a plus disputé la moindre minute depuis la saison dernière. Tout comme Slim Ben Belgacem, ces deux éléments semblent pour le moment barrés par la concurrence et inadaptés aux choix tactiques, avec comme seul issue possible un changement de dispositif qui leur ferait le plus grand bien. Enfin, le futur de Alaya Brigui, disparu des radars depuis le début de saison et dont la présence dans l’effectif est de plus en plus questionnée, demeure également incertain et le scénario le plus plausible semble être celui d’un départ.
Dans l’axe de la défense, le recrutement d’un élément expérimenté s’imposera en cas de départ de Rami Bedoui au sein d’un secteur qui a souvent posé problème à l’Etoile. Même si Saddam Ben Aziza a pris ses marques depuis le début de la saison enchaînant les prestations solides, les seules présences de Ammar Jemal, Zied Boughattas et Omar Konaté seraient insuffisantes, surtout si le système à 3 centraux est maintenu. En plus d’un recrutement, le repositionnement de Aouadhi en tant que défenseur central dans le 3-5-2 pourrait être une solution dans la mesure où ce schéma nécessite des éléments capables de bien relancer et de venir s’intercaler au milieu afin de faire progresser le jeu sur certaines séquences. Ici, des profils comme ceux de Zied Boughattas et Omar Konaté paraissent fortement inadaptés. Le meilleur scénario serait d’ailleurs le recrutement d’un élément adapté aux deux dispositifs (à 2 ou 3 centraux) en plus de la vente du défenseur malien.
Enfin, le poste de latéral parait le seul où peu de changements s’imposent. Alors que Kechrida et Hannachi sont en concurrence à droite, Ahmed Raddaoui aura une vraie carte à jouer dans les semaines à venir pour prendre la place d’un Ghazi Abderrazak aux prestations toujours plus insipides sur le côté gauche. Titularisé contre le CSS, le jeune latéral n’a pas montré son meilleur visage et bénéficiera assurément d’une nouvelle opportunité pour montrer l’étendue de ses qualités.
Wajdi Kechrida, milieu de formation repositionné en latéral droit qui bénéficie d'un profil complet lui permettant d'avoir une longueur d'avance sur son concurrent au poste Maher Hannachi
Voici à quoi pourrait ressembler l’équipe si les départs évoqués plus hauts venaient à se concrétiser. Comme on peut le voir, un éventuel passage en 4-2-3-1 nécessiterait le recrutement d’au moins un joueur capable d’évoluer en tant qu’ailier, en plus de l’achat d’un milieu récupérateur et d’un défenseur central :
Qui pour mener la barque ?
Au-delà de la gestion de l’effectif qui devient de plus en plus illisible, l’instabilité au niveau des entraineurs est un autre problème de taille qui empêche l’équipe de progresser. Depuis Faouzi Benzarti, les noms s’enchainent sans succès avec une difficulté à s’imposer aux yeux des joueurs et des dirigeants. Alors qu’on a pu observer un début de projet de jeu avec Georges Leekens, le belge a prématurément été écarté pour des raisons qui demeurent floues. Depuis, le duo Zaaboub-De Wilde a pris le relais en s’inscrivant dans la continuité du travail débuté par le flamand et en gardant le même système inédit, néanmoins en effectuant quelques choix forts concernant le onze de départ. Ainsi, Malek Baayou, Shaka Bienvenue, Yosri Hamza et Ahmed Raddaoui ont connu leur première titularisation de la saison, outre l’incorporation de Wajdi Kechrida à la place de Maher Hannachi au poste de piston droit. La reconstruction autour de ces éléments peut être une solution dans un club connu pour le succès de son centre de formation, à condition d’avoir le bon équilibre entre jeunesse et expérience. Cela ne devrait pas être problématique avec la présence dans l’effectif de joueurs comme Amine Chermiti, Yassine Chikhaoui ou Ammar Jemal qui ont écrit l’histoire du club et qui peuvent parfaitement encadrer les plus jeunes, en plus d’éléments tels que Aouadhi et Hannachi qui bénéficient d’une grande expérience sur le plan continental. La recette semble donc parfaite, à condition de ne pas avoir un effectif beaucoup trop important en termes de quantité et de freiner la progression de certains talents. A condition aussi de ne pas enchainer les recrutements inutiles comme on a pu le voir par le passé avec les cas récents de Methnani, Akaichi ou Konaté. Les recrutements devraient être ciblés et tournés vers les besoins actuels du onze rentrant, et ne pas se limiter à des « noms » qui permettraient d’effectuer une plus-value à la revente.
Le profil du prochain entraîneur doit donc être celui d’un technicien capable de faire progresser les plus jeunes mais aussi de construire une équipe avec un projet inscrit sur le long terme. Malheureusement, ce profil ne court pas les rues dans un championnat où les résultats immédiats sont le premier critère de réussite. Par ailleurs, on voit mal comment un tel profil serait capable de s’imposer avec les conflits internes qui gangrènent l’équipe et des dirigeants qui s’immiscent dans les choix sportifs. On peut par exemple se souvenir de Piet Hamberg, technicien néerlandais qui correspond parfaitement à ces qualités et qui était passé par le club il y a une dizaine d’années. Ce dernier avait tenu à peine 6 mois avant d’être lâché par certains de ses joueurs et limogé par le club. Il est donc clair que le problème qui touche aujourd’hui l’Etoile dépasse le rectangle vert, avec une gestion globale frôlant l’amateurisme et très éloignée de ce que doit représenter un tel club. Le conflit récent entre le président Ridha Charfeddine et l’ancien dirigeant Zied Jaziri n’est qu’un symbole de la maladie qui touche le club depuis bien longtemps. A l’Etoile, l’incohérence devient la norme et la logique l’exception.
Le président Ridha Charfeddine, aujourd'hui en conflit avec les anciens dirigeants Zied Jaziri et Houcine Jenayah