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Karim Ghariani

Russie, nous voilà (presque) !


Miraculeux. Tel était l’adjectif qui correspondait le mieux au match nul décroché par les tunisiens sur les terres congolaises. Plus que le point du nul, les Aigles avaient surpris leur monde par leur capacité mentale à remonter un match qui paraissait aussi mal embarqué. Un mental qui avait surtout pour habitude de nous plomber lors des grands événements. On pouvait alors affirmer sans trembler que ce match resterait à jamais dans l’historique du football tunisien tant son scénario paraissait improbable, et que cette rencontre devrait servir de référence, non pas pour la qualité de jeu proposée, mais par la solidarité et la grinta dont ont fait preuve les joueurs. A Conakry, ces mêmes qualités étaient donc attendues afin d’assurer l’essentiel, rester maitre de son destin avant d’affronter la Libye à Tunis.


Une victoire écrasante grâce à un Msakni étincelant


Pas de surprise majeure au moment de découvrir la composition d’équipe : Maaloul décide de reconduire le milieu à trois Ben Amor-Sassi-Chaalali, et c’est logiquement Bedoui qui prend la place d’un Syam Ben Youssef blessé dans l’axe de la défense, tandis que Nagguez retrouve son côté droit. Une fois de plus, Fakhreddine Ben Youssef est lui aligné sur le flanc droit de l’attaque aux cotés de Khenissi et Msakni. Les tunisiens attaquent cette rencontre avec le plein d’envie et comme à son habitude, c’est le côté gauche, où combinent très bien Maaloul et Msakni, qui se montre le plus dangereux. Et si les guinéens et leur star Naby Keita montrent qu’ils ont de quoi inquiéter les hommes en rouge, Msakni profite d’un coup franc aux abords de la surface pour toucher la transversale et montrer qu’il sera bel et bien un acteur majeur de ce match. Peu après cette frayeur, les guinéens, encore à l’initiative d’un Naby Keita auteur d’un déplacement qui a pris de court toute la défense tunisienne, parviennent à cueillir à froid des Aigles qui étaient jusque-là supérieurs dans le jeu. Pas de panique, la Tunisie compte dans ses rangs un joyau qui va alors profiter de cette soirée pour éclabousser le match de son talent. Premier acte du festival Msakni : un coup-franc direct égalisateur juste en dehors de la surface, qui intervient dix minutes après l’ouverture du score du Sily National et permet à ses coéquipiers de rentrer aux vestiaires avec un score nul. Pas d’occasion majeure à signaler jusqu’à la 74e minute, moment que choisit le même Msakni pour calmer un stade entier en plaçant une superbe frappe du gauche dans les filets de Abdul Aziz Keita. Le joueur formé au Stade Tunisien vient alors de libérer tout un peuple et de mettre ses coéquipiers sur de très bons rails. Dix minutes plus tard, c’est une perte de balle des guinéens au milieu de terrain qui permet au maître à jouer des Aigles de soigner encore un peu plus ses stats en délivrant une passe décisive pour un Ben Amor qui arrive à toute vitesse et qui parvient à tromper le portier guinéen en ouvrant parfaitement son pied. La Tunisie se rapproche alors encore un peu plus de son rêve, et se permet même de soigner sa différence de buts en inscrivant le quatrième dans les dernières secondes du match par l’intermédiaire de … Msakni, qui s’offre par la même occasion un coup du chapeau et le ballon du match. Désormais, les hommes de Maaloul n’auront plus qu’à décrocher un match nul lors de la dernière journée contre le voisin Libyen. Et s’il parait aujourd’hui inimaginable de voir la Tunisie perdre ce point et s’incliner sur ses terres, il ne coûte rien de se méfier et de se préparer avec tout le sérieux du monde pour cette dernière rencontre contre une équipe qui ne fera pas de cadeau.


Un Mondial comme vitrine pour nos talents ?


Msakni, d’habitude extrêmement influent sur le jeu de son équipe, a fait beaucoup mieux Samedi soir en transformant complètement une rencontre qui semblait assez mal embarquée, et ce grâce à deux exploits individuels qui ont permis aux tunisiens de remettre la main sur le match. Et si une insuffisance au niveau de sa condition physique pouvait lui être reprochée depuis maintenant quelques années, le joueur qui évolue (malheureusement) au Qatar a montré lors des dernières échéances qu’il était prêt à répondre présent lorsque l’équipe en avait le plus besoin, comme en témoignent ses prestations face à l’Egypte en Juin, contre la RD Congo à Rades et donc à Conakry. Celui qui désire maintenant s’envoler pour l’Europe après beaucoup trop d’années passées dans le Golfe pourrait donc réaliser son souhait s’il parvient à reproduire ces mêmes performances en Russie. Car si son talent est indéniable et reconnu par un bon nombre de clubs européens évoluant dans les grands championnats, son prix et son salaire beaucoup trop élevés sont loin d’encourager un investissement sur un joueur qui en est désormais tout de même à sa quatrième année dans un championnat davantage connu pour ses salaires que pour son niveau de jeu.

Et si l’ancien de l’Espérance aura tout à gagner à montrer ce qu’il sait faire en Russie, d’autres éléments de la sélection évoluant au pays devraient eux aussi profiter de cette compétition pour attirer les sirènes du vieux continent. Car si la sélection compte dans ses rangs certains éléments tels que Khazri ou Sliti qui évoluent en Ligue 1 française, rares sont les joueurs parmi le groupe des 23 réguliers à jouer dans une grande ligue européenne. Ainsi, à Conakry, les onze éléments alignés étaient formés en Tunisie et seuls deux joueurs, Maaloul et Msakni, évoluaient à l’étranger (respectivement en Egypte et au Qatar). Si on élargit cette analyse au groupe convoqué pour cette rencontre, seulement quatre joueurs évoluaient en Europe, dont un seul qui est issu du championnat tunisien (Oussama Haddadi). Si ce chiffre permet de flatter la formation locale qui a rarement été encensée, il permet aussi de constater que très peu de joueurs formés au pays s’exportent dans les grands championnats européens. Une pauvreté expliquée par le fait que la sélection n’ait pas disputé de Coupe du Monde depuis 2006 ? Sans doute, mais cela ne peut qu’offrir une explication partielle lorsque l’on sait qu’une sélection comme l’Egypte, dont le dernier mondial remonte à 1990, dispose de quatre joueurs évoluant en Premier League anglaise (Sobhi, Hegazy, Salah, El Nenny) et tous formés au pays. Une explication peut également être trouvée dans le fait que les clubs tunisiens acceptent rarement de vendre leurs joueurs à des prix au-dessus desquels les clubs européens ne seraient pas disposés à aller. Ainsi, ces éléments vont être retenus le plus longtemps possible au pays du fait de proposition jugée insuffisante financièrement par leurs clubs, ce qui va engendrer un ralentissement parfois irréversible de leur progression et va donc affecter grandement leur carrière. Disputer une Coupe du Monde peut donc s’avérer être un élément salvateur pour un joueur qui aura les yeux du monde entier (et de nombreux recruteurs) rivés sur lui, et qui sera sujet à des offres cette fois difficilement refusables.

D’autre part, lorsque l’on pense à la qualité de certains éléments composant cette équipe tunisienne, on ne peut que s’impatienter de les voir exprimer leur talent sur les pelouses russes. Ainsi, on a du mal à imaginer des joueurs comme Ben Amor, véritable garant de l’équilibre tunisien et doté d’un volume de jeu unique dans notre championnat, Meriah, l’un des très rares défenseurs tunisiens à être aussi bon balle au pied que dans les duels, ou encore Maaloul, à l’apport offensif extraordinaire et excellent contre attaquant, rester sur le continent africain après ce mondial. A ces éléments-là peuvent bien entendus en être ajoutés d’autres comme Ferjani Sassi déjà auteur de 6 mois très intéressants en Ligue 1 avec Metz avant de revenir au pays, Nagguez dont le profil atypique pourrait faire du bien à un bon nombre de clubs européens, et enfin Khenissi qui fait aujourd’hui partie des meilleurs attaquants du continent.


La Coupe du Monde, mais avec quels éléments ?


Si le fait que la grande majorité des joueurs composant la sélection évoluent dans le même championnat peut être inquiétant pour la capacité de ce dernier à exporter ses éléments, il s’agit cependant d’un point positif quant à l’homogénéité du groupe tunisien. Ainsi, la plupart des joueurs sont habitués à évoluer ensemble ou alors à s’affronter dans les compétitions locales. De ce fait, le onze rentrant à Conakry comptait 4 étoilés et 4 espérantistes, ce qui peut renforcer la solidarité et la cohésion collective de l’équipe dans de telles rencontres, d’autant plus que ces éléments sont habitués aux grandes compétitions africaines et à leurs ambiances tout aussi particulières.

Comme le répétait Nabil Maaloul il y a encore quelques heures, la sélection est ouverte à tous les joueurs qui vont s’imposer en étant performants avec leurs clubs. L’exemple tout frais de Aymen Trabelsi, prêté par l’Etoile il y a encore quelques mois et qui est passé en quelques semaines de remplaçant dans son club à titulaire en demi-finale de Ligue des Champions et international tunisien est sans doute le plus éloquent. A travers sa convocation, mais aussi celle de Walid Hichri, Nabil Maaloul montre clairement qu’il donnera sa chance aux éléments qui en veulent le plus. Il est donc difficile à ce jour de dresser des pronostics quant aux 23 qui iront en Russie, même si certains paraissent bien évidemment indéboulonnables. A ce jour, et bien sûr sauf en cas de blessure, les doutes subsistent encore donc sur cinq ou six éléments. La première question concerne bien entendu le retour de Aymen Abdennour, véritable cadre de la sélection qui depuis une CAN lors de laquelle il est complétement passé à côté, n’a plus remis les pieds en sélection en match officiel. Alors que Yassine Meriah semble aujourd’hui s’être installé définitivement en défense, et que Syam Ben Youssef et Rami Bedoui (dans l’axe) ont parfaitement assuré lorsqu’ils étaient appelés à le faire, on ne peut que se demander si l’actuel joueur de l’OM aurait encore sa place dans le onze des Aigles, surtout si son physique continue de lui jouer des tours. Plus haut, si le trio du milieu de terrain semble être bien en place (Ben Amor-Sassi-Chaalali), les doutes subsistent quant aux remplaçants de ces derniers. Si Maaloul a fait appel à Karim Aouadhi lors des deux dernières listes, Aymen Trabelsi a en revanche pris la place de Hamza Jelassi pour la rencontre en Guinée. Cela montre donc l’incertitude qui plane encore sur ceux qui seront appelés à suppléer ce précieux milieu à trois, et le retour en forme espéré de certains éléments (Ex : Hamza Lahmar, Larry Azouni) ainsi que le choix de sélection attendu du binational Elyes Skhiri ne font qu’accentuer les interrogations.

Enfin, en plus du trio offensif et ses remplaçants, un milieu offensif supplémentaire capable d’évoluer derrière l’attaquant devrait lui aussi être présent en Russie (c’est pour cette raison qu’il devrait y avoir deux et non pas trois remplaçants au trio du milieu). Cela s’explique par le fait que Nabil Maaloul semble avoir pour volonté de bénéficier d’un joueur capable d’évoluer en position de numéro 10 afin de pouvoir varier entre le 4-3-3 et le 4-2-3-1, comme cela fut le cas contre la RD Congo à Rades en l’absence de Ferjani Sassi. A ce jour, l’élément qui semble le mieux placé pour assurer ce rôle est le rennais Wahbi Khazri, qui a fait son retour en sélection après une CAN marquée par son attitude irrespectueuse envers le sélectionneur de l’époque. Sept éléments offensifs, dont deux attaquants de pointe, devraient donc être appelés dans les 23. Si les Msakni, Khenissi, Sliti, Ben Youssef, Badri, et donc Khazri devraient, sauf catastrophe, faire partie des plans de Maaloul, le doute subsiste sur l’attaquant de pointe qui devra suppléer Khenissi. Et si Yoann Touzghar a été appelé lors des deux derniers rendez-vous, Ahmed Akaichi a également fait son apparition dans la liste pour la Guinée. Plus que jamais, c’est donc la saison de chacun qui déterminera le choix de Maaloul, surtout que des anciens comme Harbaoui ou Khlifa n’ont pas dit leur dernier mot.

Après sa victoire écrasante en Guinée, la Tunisie disputera donc, sauf catastrophe majeure, le prochain mondial en Russie. Et si cette Coupe du Monde était attendue par tout un pays depuis maintenant 12 longues années, il ne faut surtout pas s’arrêter en si bon chemin, dans la mesure où l’on dispose aujourd’hui d’une génération capable de réaliser ce qu’aucune autre n’avait fait avant elle.

Tahia Tounes.

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